Définir ses besoins

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Introduction

Bonjour et bienvenue dans cette formation dédiée à la préparation à la prise de vue pour un tournage documentaire.

Définir ses besoins

Définir ses besoins suppose dans un premier temps de définir ce que l’on souhaite mettre en œuvre. Il faut donc dans un premier temps identifier son dispositif, c’est-à-dire la manière dont nous souhaitons mettre en scène une séquence, voire un film tout entier.

Si vous suivez ces lignes, c’est que vous avez probablement une appétence pour le documentaire et aussi, très certainement, des idées de sujets en tête. Aussi, la leçon qui suit ne portera pas tant sur « quoi » filmer que sur le « comment ». Il existe autant de récits que de manières de les raconter. Or, les choix esthétiques définissent aussi bien le style d’un.e réalisat.eur.rice que le film lui-même.

Il existe deux façons de filmer: soit en filmant les choses telles qu’elles viennent, soit en développant un dispositif de mise en scène qui permet de cadrer son geste.

La première de ces approche pose deux problèmes. Filmer l’instant de manière improvisée, pourrait-t-on se dire, permet de restituer une action avec une certaine transparence, mais d’une part, cette transparence est trompeuse car le fait de mettre en scène implique de choisir un sujet, un cadre, un point de vue et un point d’écoute. La transparence et l’objectivité n’est donc qu’apparent, pire: elle est trompeuse. Qui plus est, filmer au fil des événements comme on écrit au fil de la plume expose le.la filmeu.r.se à être toujours à la traîne, malmené par le fil des événements par définition difficiles à anticiper. L’écriture documentaire permet donc, non seulement de structurer une narration, mais aussi de prendre de la distance sur la manière de filmer un sujet.

Quelques exemples

L’imagination est la meilleure alliée pour construire des dispositifs pertinent et marquants pour servir la représentation de son sujet. En outre, un dispositif original et bien pensé favorise aussi la reconnaissance d’un point de vue et de la personne qui le porte. Voyons ici quelques exemples de styles de réalisation qui en témoignent.

Le fond de l’air est rouge de Chris Marker (1977)

Comme souvent avec le cinéaste de la mémoire et des chats, l’essentiel du film Le fond de l’air est rouge repose sur un dispositif de montage d’archives et de commentaire. Cela lui permet de questionner une époque au devenir incertain dans un contexte où les idéaux du 20ème siècle s’écroulent.

Bowling for Columbine de Michal Moore (2002)

En 2002 sort le film Bowling for Columbine de Michal Moore. Le style du réalisateur se construit largement sur un dispositif de cinéma direct dans lequel le Michael Moore en personne sollicite des personnalités éminentes d’un système qu’il critique. Au beau milieu de ce film, le réalisateur choisit de placer une séquence de contextualisation historique sous la forme d’un dessin animé.

Once there was a sea de Joanna Kozuch (2021)

Nous revenons ici au dessin animé documentaire avec un court métrage de 2021: Once there was a sea. Ce carnet de voyage animé décrit la tragédie de la mer d’Aral au fil des rencontres avec les habitants locaux, que la réalisatrice représente avec une technique d’animation mêlant rotoscopie et animation traditionnelle.

Boxing Gym de Frederick Wiseman (2011)

Le cinéma de Frédéric Wiseman repose sur un choix de sujet très précis: l’institution. Qu’il s’agisse d’une camp militaire, d’un commissariat, d’un opéra ou comme ici d’un club de boxe, le cinéaste développe un style de cinéma direct très porté sur les détails et sur le rythme, ce que l’on retrouve ici dans le montage avec un très grand nombre d’inserts. Ces détails nous renseignent sur le quotidien et sur les habitudes des personnes.

L’Arche Russe d’Alexandre Sokourov (2002)

L’Arche Russe repose sur le pari de représenter 300 ans d’histoire Russe en un seul plan, tourné dans le musée de Saint Petersbourg. Documentaire historique? Fiction documentée? Chacun se fera sa propre idée, mais le dispositif de mise en scène est bien au service d’un point de vue documenté.

Rencontres au bout du monde, Werner Herzog (2007)

Ce film n’est pas le plus connu des documentaires de Werner Herzog qui sont eux-mêmes trop méconnus par rapport à ses films de fiction, mais il est intéressant, car il met en avant le style du cinéaste, très porté sur la voix off qui assied fermement le point de vue et les obsessions du réalisateur (la mort, la folie, le chaos de l’univers et de l’existence), même lorsqu’ils s’agit de parler des pingouins.

Chronique d’un été, Edgard Morin et Jean Rouch (1961)

Chronique d’un été naît de la rencontre entre la sociologue Edgar Morin passionné de cinéma et le cinéaste ethnographe Jean Rouch. Tourné en cinéma direct, le film varie les dispositifs de mise en scène: interview de type micro trottoir, réunion filmée entre l’équipe et les protagonistes, entretiens filmés avec des personnages. D’une manière générale, le film traduit la volonté de transparence et d’introspection des réalisateur vis-à-vis de leur mise en scène.

La pyramide humaine de Jean Rouch (1961)

Sorti lui aussi en 1961, ce film de Jean Rouch tourné à Abidjan témoigne des difficultés de jeunes gens à dépasser les barrières raciales de la société. L’essentiel du film repose sur un dispositif de mise en scène proche de la fiction. Cependant, la dernière séquence nous ramène au documentaire lorsque les protagonistes sont réunis dans un cinéma et qu’ils commentent les images du film dans lequel ils ont joué. À travers ce dispositif de « film elicitation », nous comprenons alors que les acteurs et actrices sont des personnes qui ont joué leur propre rôle.

Ouvrir la voix de Amandine Gay (2017)

Ouvrir la voix est un film d’entretien qui relaie la parole de 24 femmes noires issues de l’histoire coloniale européenne en Afrique et aux Antilles. L’entretien en documentaire est souvent peu considéré. Pourtant, il repose bien sur les fondamentaux du cinéma: le mouvement, les choix de cadre et le montage notamment, font la différence entre un film non maîtrisé et une mise en scène construite.

S21 de Rithy Pan, la machine de mort khmère rouge (2003)

Pour lutter contre l’oubli et rendre visible l’horreur du génocide Khmer, le cinéaste organise des dispositifs de reconstitution dans la prison S21. Une personne commente à partir d’une image, une autre revit des moments en reproduisant les gestes du quotidien, tous ces éléments s’assemblent et s’additionnent à travers le montage comme des fragments de mémoire.