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Réaliser un entretien

Nous avons maintenant une bonne connaissance de notre terrain qui nous a permis d’identifier ce qui le caractérise et surtout ce qui vous intéresse pour votre film. Il est peut-être temps maintenant de passer aux entretiens. Nous passerons ici en revue les différentes raisons pour lesquelles nous pourrions être amené à réaliser un entretien, ainsi que les différents types d’entretiens.

Pourquoi un entretien

Plusieurs raisons peuvent justifier un entretien. Vous avez besoin d’échanger avec une personne ressource pour découvrir plus en profondeur votre terrain ou valider vos hypothèses. Vous souhaitez échanger avec quelqu’un pour identifier les lieux et les personnes clé qui vous permettront d’entrer dans le vif du sujet en évitant les pièges. Vous cherchez des ressources pour identifier la juste approche et vous positionner sur votre terrain. Tout cela peut donner lieu à un entretien exploratoire, de préférence non directif, dans un premier temps.

L’entretien non directif

Un entretien non-directif consiste comme son nom l’indique à diriger une personne le moins possible pour lui laisser assez d’espace et limiter au maximum la possibilité de l’influencer durant l’échange. L’entretien non directif est paradoxalement une technique très difficile car il s’agit tout de même d’accompagner la personne afin de stimuler sa prise de parole et l’amener à exprimer ses idées par rapport à un sujet donné en l’interrompant le moins possible. Vous devrez également vous assurer que ce quasi-monologue reste dans le sujet. Pour cela, vous avez « droit » à deux outils : la consigne et la reprise.

La consigne consiste à exposer les termes de l’entretien et ses attendus. Mais avant cela, contextualiser la situation en parlant rapidement de votre travail et expliquer votre démarche avec des mots simples est un bon début qui peut aider à rassurer la personne. Expliquer ensuite la particularité de l’entretien non directif l’aidera à mieux faire face à cette situation particulière.  Vous pouvez alors expliquer pourquoi cet échange avec elle vous paraît pertinent : « j’ai pensé à toi car tu as une expertise précieuse sur ce sujet/ un lien particulier avec ce sujet etc. », pour enfin finir sur la consigne elle-même. Sa formulation sera capitale. Il existe des question fermées (aimes-tu le cinéma ?) ou ouverte (Peux-tu me parler de ton enfance ?). L’idée ici est de trouver la juste formulation pour lancer la personne sur un sujet et sur un angle en rapport avec le sujet : « en ta qualité de critique de cinéma tu as écris sur le cinéma d’horreur au point de développer une expertise rare sur le sujet. Au cours de cet entretien j’aimerais que tu me parles si tu le veux bien des films d’horreur coréens des années 2000 ». N’hésitez pas à problématiser pour stimuler : « j’aimerais comprendre le contexte qui a favorisé la popularisation de ce cinéma». Enfin, pour contourner le côté écrasant de la question avec une phrase du type « c’est à toi / je t’écoute », vous pouvez proposer une amorce qui détourne momentanément du cœur de la question pour laisser à la personne le temps d’y rentrer à sa convenance. Typiquement : « pour commencer pourrais-tu me parler de ton parcours et de la manière dont tu en es arrivé à t’intéresser spécifiquement au cinéma d’horreur coréen ? ».

Deuxième outil : la relance. Nous l’avons vu, le but du jeu est de laisser parler la personne le plus possible sans l’influencer. Le simple fait de poser une question peut induire une forme d’influence, raison pour laquelle nous préférons le principe de la consigne. Cependant deux problèmes peuvent encore survenir : le hors-sujet ou la panne d’inspiration. Si la personne dérive vers le cinéma d’horreur japonais, vous aurez peut-être le réflexe de l’interrompre. C’est là toute la difficulté de l’exercice. Peut-être que sa disgression sera de courte durée et qu’elle la mobilise pour mieux revenir vers son sujet. Auquel cas, l’interrompre est bien une mauvaise idée. Pour autant, si vous sentez que la disgression vous amène vers le hors-sujet il sera peut-être nécessaire de recentrer la discussion sans pour autant influencer la personne. Pour cela, le premier réflexe à adopter est de s’inscrire dans une position d’écoute active et de prendre des notes. On sort en principe d’un bon entretien non-directif sur les rotules ! Cette attention de tous les instants vous permet de relever les informations qui permettront de rebondir, non pas d’après vos pré-notions sur le sujet, mais bien à partir de ce que vous aura dit la personne. Par exemple, imaginons que la disgression sur le cinéma du Japon prend de l’ampleur. Vous redoutez que l’entretien s’oriente vers un hors sujet. Or vous et votre interlocut·eur·rice n’êtes peut-être pas disposés à conduire l’échange pendant une durée indéterminée. L’énergie est précieuse ! Aussi, après avoir senti que la personne est entre deux idées, vous pouvez partir d’une phrase que vous aurez relevé précédemment en lui faisant remarquer et en l’invitant à revenir dessus en développant : « tout à l’heure tu parlais de ta découverte de Bong Joon-ho… ». En théorie, vous pourriez même ne pas finir votre phrase, la laisser en suspend pour mieux inviter la personne à repartir vers cette direction. Sinon, vous pouvez finir votre question en veillant surtout à ne pas poser de question fermée du type : « c’est un réalisateur que tu aimes bien ? ». À question fermée, réponse fermée. Vous prendriez le risque que la personne vous réponde « oui » ou « non ».  

L’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif est certainement la forme la plus courante d’entretien à l’écran. Elle se structure autour d’un jeu de questions et de réponse que l’on voit régulièrement, par exemple en interview. À la différence de l’entretien non directif, vous pouvez donc encadrer l’échange par une série de question, définies au préalable sous la forme d’une grille. Libre à vous de changer l’ordre, d’ajouter ou d’enlever des questions si vous les jugez plus ou moins pertinentes selon l’évolution de l’entretien et sa dynamique. Comme pour l’entretien non directif, il est important d’être à l’écoute pour maintenir le rythme de l’échange, repérer les moments où prendre la parole sans interrompre votre interlocut·eur·rice et mettre en œuvre cette gymnastique de questions et de réponses en gardant une bonne dynamique.

L’entretien directif

Nom, prénom, âge… L’entretien directif est la forme d’entretien à laquelle nous sommes le plus confronté dans la vie de tous les jours, lorsque nous remplissons un formulaire par exemple. Son régime de questions fermées laisse peu de champ à la personne interrogée. Il peut être utile en complément d’autres formes d’entretien dans un processus de recherche, mais il reste rare à l’écran sauf, typiquement, si l’on souhaite mettre en scène une forme d’interrogatoire ou autre forme de relation humaine autoritaire.

L’entretien en focus-group

Le focus group est une autre forme d’entretien réalisé comme son nom l’indique, en groupe, généralement de six à dix personnes. Il est idéal pour représenter une dynamique de groupe avec ses points de force et potentiellement les contradictions internes qui le mettent en tension.